Rochers sculptés de Lemberg

Plusieurs civilisations se sont succédé sur les terres de la commune de Lemberg au cours de son histoire. La période gallo-romaine laisse des traces par le biais de sculptures que l'on peut appercevoir aujourd'hui encore dans les immenses forêts entourant le village. À cette époque, les habitants du pays ont trouvé un terrain d'élection dans les forêts locales, où abondent les affleurements de grès, pour exprimer leurs croyances religieuses. La déesse de la Bildmühl, le rocher des Trois Figures et la source Saint-Hubert datent de cette époque.

Table des matières

I. Rochers sculptés
II. Notes et références III. Annexes                          
 
1. Dreibirrefels

1. Bibliographie
2. Pompöserbronn
2. Liens internes
3. Bilderfels

I. Rochers sculptés

1. Dreibirrefels

À deux kilomètres au nord du village se situent les rochers du Dreibirrethal ou Dreibilderthal (vallée des Trois Figures) dont le plus important est le Drebirrefels, un long rocher émergeant d'un talus escarpé, à mi-pente en pleine forêt. Il faut le chercher à travers le dédale des arbres car les blocs de grès sont éparpillés à travers toute la forêt. Sculptés en bas-relief d'une exécution assez fruste, au fond d'une double niche, on reconnaît deux personnages aux vêtements longs, un peu moins grands que la stature humaine. Celui de gauche est une femme vêtue portant un diadème, qui pourrait être Nantosvelta, la déesse des forêts et à ses côtés, le second personnage paraît être un homme, un dieu gaulois. À droite, une bacchante est figurée, beaucoup plus petite et à peine ébauchée. Toujours vers la droite, dans la partie la plus basse du rocher, le reste de l'espace porte gravés des caractères semblables à l'alphabet runique, ensemble de signes triangulaies ou en forme de croix qui épaississent encore, s'il en était besoin, le secret de ce bloc de grès. Sur ce relief rude non poli ont été relevés des signes datant du Ve siècle.

Le rocher sculpté du Dreibirrefels présente deux personnages, sans doute Nantosvelta et un dieu gaulois. La croix Saint-Hubert se situe à proximité du rocher sculpté et de la source du Pompöserbronn. Tout près du rocher sculpté du Pompöserbronn, une source coule toujours et déverse ses flots dans des bassins d'ablutions transformés en lavoir.

Notons qu'un monument de facture identique se trouve au musée archéologique de Strasbourg. Selon des avis autorisés, les personnages représentés sur ces deux blocs grèseux seraient les divinités celtes qui se retrouvent aussi bien en Irlande que chez nous ou au Palatinat. Ici, les traits de la figure ont été très meurtis, pour ne pas dire effacés. La plupart des archéologues s'accordent à reconnaître dans le personnage de gauche une femme portant tunique et ayant les bras ballants, et un dieu gaulois dans l'autre sculpture. Cette femme est peut-être Nantosvelta, déesse gauloise des forêts ou tout simplement la déesse-mère si souvent représentée dans et hors de l'empire romain. La troisième figure a tant souffert qu'il est impossible de hasarder une explication. Il semble qu'on ait voulu délibérément l'effacer de la roche, tant elle apparaît mutilée ; peut-être n'était-elle qu'un ajout fortuit et manqué dont bien vite on a supprimé les traces. Les graffiti qui se trouvent vers la droite ont été interprétés par le Docteur Hoffmann de Pirmansens comme étant des signes runiques. Certains de ces signes nous sont connus et on peut les dater du Ve siècle ; d'autres, par contre, sont uniques et n'existent qu'ici. Personne n'a pu dire avec certitude si ce message runique constituait une prière, une incription votive ou bien plus prosaïquement des renseignements pou ne pas se perdre en forêt avec indications des endroits habités les plus proches. Il faudrait, pour en savoir plus, retrouver les clés du langage runique. Mais qu'importe, les dieux gaulois, figés et roides en leur immobilité de pierre, attendent que passent les civilisations et que revienne le temps où le peuple se rassemblait à leur pieds pour l'offrande et la prière.

2. Pompöserbronn

Non loin de là et toujours dans la forêt de Lemberg, au pied de l'ancien Schlossberg, coule, à la manière d'antiques sabliers, la célèbre fontaine de Saint-Hubert. Tout de suite, le contraste avec le Dreibirrethal nous saute aux yeux. Là-bas, une oeuvre figée, trop solennelle pour être animée, une ébauche maladroite ; ici, par contre, tout est vie, mouvement et presque danse. L'art est plus humain et le ciseau sut perpétuer la fraîcheur dans ce cadre silencieux et ombragé. La paroi d'un rocher, dans la forêt de Boneckel, est décorée d'un bas-relief. Malgré la disparition de la partie supérieure du rocher, on reconnaît sans peine deux personnages debouts : un couple divin entouré d'animaux. Diane, déesse de la forêt et de la chasse, chaussée de hautes bottines, accompagné d'un dieu indéterminé, drapé, tenant de la main gauche une haste. La déesse repose son arc sur lequel elle s'appuie légèrement ; le dieu Sylvain tient une hampe dans la main droite. L'habillement de ces personnages est assez classique. Diane porte une tunique assez courte et aux plis élégants qui, vue de loin, ressemble à ces culottes bouffantes portées dans la région. Sylvanus est habillé d'une tunique aux plis plus militaires et, en partant du bâton ou de la lance qu'il tient en main, on l'a assimilé à certains dieux celtes ou gaulois. Ces deux personnages sont entourés de divers animaux : un chien est debout devant la tête d'un cheval ou d'un aurochs, deux sont assis, celui de gauche, près d'un arbre, tourne la tête, et le quatrième joue avec un sanglier, qui semble très étonné de se trouver là. À l'extrême droite du rocher on peut observer un combat de cerfs. Un examen plus détaillé révèlera encore une curieuse tête d'animal à l'extrême gauche et à droite de Diane un médaillon, malheureusement difficilement identifiable par le commun des mortels, où l'on reconnaîtra peut-être une nymphe des bois accompagnée d'un Amour.

Le chalet du Club vosgien est édifié à proximité de la source et constitue le point de départ de ballades infinies dans les forêts voisines, à la découverte notamment des rochers sculptés. La croix et la fontaine Saint-Hubert ou Pompöserbronn. La croix Saint-Hubert se situe au pied de la colline du Schlossberg.

Ce bas-relief est connu dans la région sous le nom de Pompöserbronn ou encore source de Saint-Hubert, fontaine due à Pompée. Plus vraisemblable est l'interprétation qu'en donne n'importe quel bûcheron, à savoir celle d'un personnage portant des culottes bouffantes, appelées en dialecte Bombhose, se référant à la tunique de grosse toile portée par Diane. Mais pourquoi ce bel ensemble en ce coin de la forêt de Lemberg ? Toute explication part de la source. Depuis très longtemps sans doute, son eau dut être renommée pour ses propriétés miraculeuses. Vraisemblablement y avait-il déjà du temps des Celtes quelque monument ou inscription célébrant les bienfaits de cette eau et ses vertus guérisseuses. Lors de l'occupation romaine, il est facile d'admettre que la vénération ne cessa pas, mais on continua d'honorer les divinités protectrices de ces lieux. Un homme plus riche que d'autres, désireux de montrer sa ferveur, de perpétuer son nom ou, tout simplement en action de grâce pour un bienfait reçu, commanda et fit exécuter l'ensemble sculpté qui devait être bien plus beau que les restes que nous en voyons. Lors de la christianisation de cette région, un zèle prosélite trop intempestif a causé quelques ravages à ces sculptures, en faisant disparaître la partie supérieure du rocher, mais ceci n'est qu'une hypothèse, car la mutilation a pu être bien plus tardive.

L'eau coule toujours dans le bassin des ablutions voulu par le fondateur. Les vertus miraculeuses de la source se sont transmises par le patronage de saint Hubert, patron des grandes chasses. Le Club vosgien a édifié un chalet à proximité de la source, loin du bruit et proche des dieux. L'endroit invite à la contemplation et au recueillement. Au milieu des vastes forêts des Vosges du nord parcourues par tant de bêtes à l'affut de leur proie, pendant qu'impitoyable la loi de la jungle régit les sombres halliers, la paix naît ici. Paix entre l'homme et l'animal, paix garantie par la fidèle parole des dieux, tandis qu'en gage de bonté, coulent les eaux nacrées de l'inépuisable source. Une belle croix est érigée à proximité du rocher et de la source ; datée 1786, elle représente sur son fût droit la scène de la Vision de saint Hubert, qui est peinte en couleurs vives comme à l'habitude régionale.

La paroi du rocher sculpté du Pompöserbronn ou source Saint-Hubert. Les ruines du moulin de la Bildmühle et des quelques maisons qui l'entouraient, détruites lors de la dernière guerre mondiale, se situent à proximité du rocher sculpté du Bilderfels.

3. Bilderfels

Si nous voulons avoir un aperçu complet des richesses gallo-romaines de la forêt de Lemberg, il nous faut passer plus loin et entraîner un peu nos jambes à la marche à pied. Nous entrons au bourg connu pour ses cristalleries et ses verreries, apprécié pour ses restaurants et respecté pour ses histoires de sorcellerie. Au milieu du village environ, nous prenons à gauche et, après le pont de chemin de fer, toujours vers la gauche, nous descendons, par un sentier vers le fond de la vallée. Quelques étangs dorment là. Près des traces d'un vieux moulin, explose une source. À côté de l'eau qui jaillit, sur la paroi rocheuse, une femme sculptée dans le grès : nous sommes devant le rocher sculpté du Bilderfels, aussi appelé Bildmühl. Il se situe au fond du vallon d'Oberbildermühlthal, à un kilomètre au Sud-Est du village de Lemberg. Il est découvert en 1924 sur la paroi verticale d'un rocher de grès rougeâtre. 

La déesse est assise légèrement de trois-quart et elle tient une corne d'abondance remplie de fruits dans son bras gauche tandis qu'elle maintient de la main droite une patène posée sur ses genoux. Ce dernier détail est difficile à apercevoir tant l'eau et le temps ont buriné les traits de la vénérable sculpture. Un voile maintenu par un diadème surmonte une coiffure en bandeaux. Le vêtement est ample : une tunique tombant jusqu'aux pieds. Cette robuste femme incarne bien sûr la figure de la déesse-mère, la Magna Mater, telle que nous l'avons déjà aperçue au Dreibirrethal. Beaucoup plus petite que les autres sculptures gallo-romaines de la région, la Bildmühle est également placée dans une niche taillée dans le rocher. Il est à remarquer que la relation entre la source et la divinité est sans doute moins forte ici qu'au Pompöserbronn, mais la présence de cette matrone en ce lieu n'est pas le résultat d'une pure coïncidence. Sans qu'on puisse l'affirmer très sûrement, il y a tout de même une forte probabilité pour que ces trois sites, datant à peu près de la même époque, aient une origine commune, et peut-être faisaient-ils partie d'un même et unique centre religieux.

Le ruisseau de la Bildmühle en hiver (photographie de Yannes Schaeffer). Le moulin de la Bildmühle au début du XXe siècle, près duquel se dresse le Bilderfels. Le ruisseau de la Bildmühle en hiver (photographie de Yannes Schaeffer).

En remontant le sentier qui va vers Lemberg, nous repassons devant une autre source, plus récente, qui a longtemps servi de lavoir aux femmes du village. Dans le mur de grès, dominant la source, et à l'abri d'une plaque de verre, une petite statue de la Très Sainte Vierge consacre la victoire du christianisme sur les divinités païennes. Si les noms et les dogmes changent, les attributions des dieux ne varient guère : aider l'espèce humaine à survivre en lui assurant la permanence de cette richesse indispensable qu'est l'eau. Nos aïeux, parmi les vertus et les défauts qui furent les leurs, cultivaient au moins cette forme de sagesse qui consiste à se souvenir à tout moment que l'homme, malgré son intelligence et ses talents, reste créature.

II. Notes et références

1.

III. Annexes

1. Bibliographie

2. Liens internes
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