Souterrains de la citadelle de Bitche
Située
au cœur du pays de Bitche, dans une
dépression bordée de vertes collines
boisées où se croisent les routes de
Sarreguemines à Haguenau, de Sarreguemines à
Wissembourg et de Saverne à Pirmasens, la
charmante petite ville de Bitche possède
un très grand ban de 4040 hectares, le second
après celui de la commune voisine de Mouterhouse.
Elle est implantée en bordure du pays
couvert, dans une zone cependant fort
défrichée. Les seuls ruisseaux qui irriguent
cette cuvette marécageuse sont la Horn au
nord, et un rû né de l'étang
de Hasselfurth qui alimente jusqu'à son
assèchement en 1820 le Stadtweiher, au pied de la
citadelle.
Au milieu de
la dépression se dresse une
étroite barre rocheuse de grès rose,
longue de 475 mètres et dominant la plaine de
près de cent mètres, qui
a porté successeivement
le château puis l'imposante et majestueuse citadelle,
fierté de la cité et de son pays. Trois
agglomérations d'inégale importance se forment
à ses pieds, pour former plus tard la ville de Bitche,
entourée très tôt d'une muraille et
percée de deux
portes. Véritable
chef d'œuvre de l'architecture militaire, surplombant toute
la cuvette boisée et semblant veiller sur la cité
allongée à ses pieds, la citadelle de Bitche est le plus important
site historique et touristique du Bitscherland. Dominant le plateau
supérieur de la forteresse par sa
silhouette fière, la chapelle constitue
l'élément-phare de sa visite, seul vestige du
château construit par le maréchal de Vauban.
Description
Une des
particularités de la forteresse de Bitche constitue
incontestablement dans la diversité et surtout dans
l'immense étendue de son réseau de
souterrains.
Rares sont, en effet, les fortifications de ce type à
posséder un tel dédale de casemates et de
galeries
taillées dans le rocher, véritable labyrinthe
pour qui
aurait la malchance de s'y égarer. Bien que leur construction
remonte pour la grande majoruité
des galeries au milieu du XVIIIe siècle,
ils se trouvent en fort bon état
de conservation et n'ont, contrairement aux bâtiments de
surface, guère
souffert des nombreux bombardements qui se sont abbatus sur la
forteresse lors des trois dernières guerres.
L'accès aux
souterrains se fait en D 4, l'entrée d'un ancien corps de
garde
d'où l'on pouvait surveiller étroitement tout
mouvement
d'entrée et de sortie.
Après
quelques marches apparaît un palier qui constitue un
carrefour. À
droite se trouve l'entrée (actuellement interdite) du
bastion 1. Derrière la porte métallique, elle
aussi condamnée actuellement, se situe la
caponnière permettant d'assurer la liaison entre les
souterrains du plateau central et celui menant vers l'ouvrage de la
Petite-Tête. À
la gauche du visiteur s'ouvre un hall particulièrement
impressionnant, qui est entièrement taillé dans
le rocher
gréseux. La visite débute alors dans les
anciennes
cuisines du fort. On y remarque l'emplacement d'un gigantesque ancien
four, pouvant cuire pas moins de 500 rations à la fois,
ainsi
qu'un point d'eau, installé par les Allemands
après
l'annexion de 1871. Le bastion 2 constitue ensuite le prochain
arrêt. Il s'agit d'une construction casematée, qui
est
jumelée à deux étages. Plusieurs
détails y
sont à relever :
- l'épaisseur des murs, mesurant 5,50
mètres, ce qui est simplement infranchissable ;
- la trappe d'aération (l'ouverture se situe sous
le terre-plein) avec la charetière ;
- les anneaux, rappelant qu'à l'origine le
plancher était suspendu en l'air grâce
à un astucieux système de poulies et de tendeurs.
Le plancher fixe
date pour sa part du très long
siège de la
forteresse en 1870-1871, au cours duquel le bastion a
été transformé en hôpital de
siège pour les hommes du
colonel Teyssier.
Cette transformation a permis de gagner une salle
supplémentaire, durant un état de
siège où
les hommes grapilaient le plus d'espace possible afin de ne pas devenir
fou après plusieurs mois passés dans ces
souterrains.
L'étage inférieur se situe à
17 mètres sous le terre-plein. Les deux salles qui le
constituent étaient
réservées aux blessés graves. Dans
celle de gauche
subsiste encore un foyer, indispensable aux infirmiers militaires
chargés de soigner les malades. Au fond à droite,
les
latrines étaient également une
nécessité absolue, pour tenter de
remédier au
manque d'hygiène imposé par la
promiscuité des
hommes. Durant les bombardements de l'artillerie américaine
de
l'hiver 1944-1945, une partie de la population civile bitchoise a pu,
pour la première fois dans l'histoire du fort, se
réfugier dans ces souterrains. Il s'agissait en particulier
des
salles de ce bastion 2, qui leur ont assuré pendant de
longues
semaines une protection sûre contre les tirs
répétés d'obus sur la ville.
En remontant vers le hall, le visiteur se doit d'admirer la
belle cave à vin, avant de s'engager dans
l'étroite galerie, creusée en 1870 par les
douaniers affectés au fort durant le siège par
les Bavarois. Bien que mineurs improvisés, ils ont
réalisé en treize semaines ce forage qui allait
rendre de précieux et appréciables services aux
hommes, assurant la liaison souterraine d'un bout à l'autre
du fort. La galerie aboutit dans le local D 3, qui est le souterrain du
corps de garde principal - actuelle billetterie de la citadelle. Une
seconde galerie, elle aussi taillée dans le roc vif, conduit
aux latrines et aux forges souterraines (P 1).
À
proximité se situent la salle du puits (L 4) et la station
de pompage, qui est mise au service après 1871. Le local
suivant (E 3) présente la particularité d'occuper
toute la largeur du rocher ; il servait autrefois d'étable,
de moulin et d'abri. Une porte, donnant sur le tunnel
suivant l'entrée principale de la forteresse,
permettait à l'époque aux nombreux bestiaux
nécessaires à l'alimentation de la garnison de
pénétrer de plain-pied dans l'étable,
ce qui facilitait grandement leur déplacement.
Un escalier
assure également la liaison avec la boulangerie souterraine
(J). Les deux fours, qui ont été
préservés et sont encore en très bon
état, assuraient la fourniture en pains de toute la
garnison, après la destruction de la boulangerie du plateau
supérieur. Pour éviter la moisissure de la farine
par cause de l'humidité de la salle et du peu de
ventilation, les sacs étaient alors stockés dans
une grande pièce aménagée au-dessus
des fours. La salle suivante (A 1) est une immense halle, qui servait
autrefois de dortoir à près de huit cents hommes
de troupe, durant la période de
siège.
Le grand froid que connaît la région en hiver et
que les
quatre cheminées ne parvenaient pas totalement à
chasser,
la promiscuité extrême, les mauvaises odeurs
provenant de
l'étable toute proche, le bruit des bombardements
incessants, la
lumière blafarde et la longueur du siège
constituaient une dure épreuve pour les
assiégés.
Certes, cette immense épreuve des glorieux soldats
français était toutefois compensée -
assez
maigrement cependant - par la sécurité que
pouvait
leur'offrir ce dortoir, ayant ainsi la certitude qu'aucun obus ne
pouvait les atteindre à cet endroit.
La
dernière salle des
souterrains (A 2), qui est incontestablement la plus belle,
est le
dortoir réservé durant le siège aux
officiers de
la place-forte. D'architecture semblable à une crypte
romane,
elle est à échelle plus humaine que le dortoir
des hommes
de troupe. Bien que nettement plus petite et nettement moins haute,
elle comporte néanmoins quatre cheminées,
dûes au
rang de ses habitants - qui sont nettement moins nombreux que les
hommes de troupe. Le circuit des sous-sols de la forteresse se termine
ici, ne pouvant présenter au public que le tiers
seulement
du gigantesque complexe souterrain de la citadelle.
Bibliographie
- JACOPS
(Marie-France), GUILLAUME (Jacques), HEMMERT (Didier), Le Pays de Bitche
(Moselle), Metz, Éditions Serpenoise, 1990, p. 27-38.
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