Géographie du Bitscherland
Terre préservée, le Bitscherland se situe à l'écart des axes majeurs de
communication. Constituant la partie lorraine des Vosges du Nord, cette
région est classée réserve mondiale de la biosphère par l'Unesco, pour
l'extrême richesse de son patrimoine naturel et pour les nombreuses
actions de protection et d'éducation entreprises en faveur de la
préservation de l'environnement et de la qualité de vie.
I. Les deux visages
« Aux confins de la Lorraine orientale, le Pays de Bitche, ou
Bitscherland, s'avance vers l'Alsace, passant des vastes horizons du
plateau lorrain à la forêt des Vosges du Nord. Il est limitrophe au Sud
de l'Alsace bossue, à l'Est du Pays d'Haguenau et de l'Outre-Forêt, au
Nord du Palatinat, tandis qu'à l'Ouest » (1), il
est réuni à la Lorraine par un étroit couloir de moins de cinq
kilomètres de large occupé seulement par la ville de Sarreguemines.
Région essentiellement forestière, le Bitscherland semble quelque peu
perdu aux confins du territoire lorrain. « Cette région de la Lorraine
germanophone, composée des trois cantons de Bitche, Rohrbach-lès-Bitche
et Volmunster, recouvre deux entités géographiques très différentes,
séparées par une ligne imaginaire joignant Rahling au Sud-Ouest à
Liederschiedt au Nord-Est : le pays découvert ou Imgau à l'Ouest, le
pays couvert ou Wasgau à l'Est. La nature géologique du sous-sol, le
modelé des paysages, le couvert végétal et l'économie, tout oppose ces
deux régions, que le réseau hydrographique contribue partiellement, lui
aussi, à différencier : à l'Ouest, les rivières sont des affluents de
la Horn (la Bickenalb, la Schwalb et le Schwartzenbach) et de la Sarre
(les ruisseaux d'Achen, de Rahling, de Saint-Louis et le
Schwangerbach), tandis qu'à l'Est elles font partie du bassin du Rhin
(la Zinsel du nord et ses affluents, ainsi que le Falkensteinerbach et
le Schwarzbach) » (1).
II. Pays découvert
« Le pays découvert [ou encore Imgau] appartient aux formations
géologiques triasiques, qui sont composées de calcaires du Muschelkalk,
entrecoupés de marnes avec des lentilles gypseuses, et de calcaires à
cératites et à entroques, l'ensemble étant recouvert de limons ou de
lœss. Le modelé, ici, est celui du plateau lorrain dans sa partie la
plus orientale, variant entre 300 et 400 mètres. Ce paysage, aux formes
un peu lourdes, est à peine barré par la côte du Muschelkalk, d'une
cinquantaine de mètres de dénivellation, qui se développe entre Erching
et Rahling, en passant par Rimling et Rohrbach. Les rivières bordées de
saules, sinueuses mais assez peu encaissées, sont grossies par de
nombreux ruisselets, aujourd'hui insignifiants, qui ont pourtant modelé
un paysage de croupes aux formes adoucies. C'est à un déboisement
intensif, sans doute dès le XVIe siècle, que la région doit son
appellation de pays découvert, bon nombre de communes étant depuis bien
longtemps totalement dépourvues de forêt, comme Petit- et
Gros-Réderching, Bettviller, Epping ou encore Etting et Schmittviller ;
ailleurs, des lambeaux de forêts de feuillus, plus ou moins importants
selon les endroits, témoignent de son existence ancienne. Le paysage
étend à perte de vue ses champs ouverts, laniérés jusqu'aux
remembrements de ces dernières années : un laniérage rendu
particulièrement visible aux saisons de printemps et d'été par la
juxtaposition des cultures en fonction de l'assolement.
Autour des villages, mais parfois fort loin des habitations, sur des
pentes bien exposées, les vergers alternent avec les cultures, surtout
dans le canton de Volmunster. La culture traditionnelle de la pomme de
terre et des céréales (blé, avoine, seigle, orge et sarrasin) a peu à
peu évolué, se spécialisant dans la production de blé. Dans le domaine
de l'élevage, les porcs et les chèvres ont toujours occupé une place
importante, tandis que les vaches et les bœufs, utilisés comme bêtes de
trait, surpassaient en quantité le nombre de chevaux. Dès le XVIIe
siècle, ce cheptel était vendu dans les foires de Bitche et de Rimling
aux marchands alsaciens, qui, en échange, fournissaient du blé, du vin,
des étoffes ou encore de la mercerie. La tendance actuelle est, comme
partout, une évolution vers l'élevage laitier grâce à l'accroissement
des surfaces en herbage » (1).
III. Pays couvert
« Le pays couvert [ou Wasgau], qui constitue la grande originalité du
Pays de Bitche, appartient quant à lui au Buntsandstein triasique, dont
les formations gréseuses ont donné naissance à un plateau variant de
200 à plus de 450 mètres, fortement morcelé par des vallées nombreuses,
profondes et très ramifiées, hérissé de barres et de pointements
rocheux ruiniformes, offrant un paysage pittoresque. Un couvert
forestier très dense de chênes, de hêtres, de charmes et de pins
sylvestres, plus récemment implantés, moutonne à l'infini, occupant la
quasi-totalité des pentes, alors que les fonds de vallées, tourbeux,
sont envahis par les carex, les joncs, les aulnes, les érables, les
tilleuls, les frênes et les alisiers. Ici la forêt occupe plus de 65 %
du territoire, un chiffre souvent beaucoup plus élevé lorsque l'on se
situe dans les communes limitrophes de l'Alsace. Parfois, quand la
vallée s'élargit comme à Eguelshardt ou à Baerenthal et que les
clairières de défrichement ont été gagnées sur les basses pentes, la
prairie et quelques cultures vivrières se sont développées.
Objet des soins particulièrement attentifs des ducs de Lorraine
représentés par leurs gruyers, exploitée intensivement par les Français
à partir des années 1730, la forêt a toujours été une source de revenus
importante, faisant vivre des bûcherons, des charbonniers, des
voituriers, des scieurs, des charpentiers et même des sabotiers. Les
feuilles mortes, ramassées sur 20 % des surfaces forestières seulement
pour permettre la régénération de l'humus, servaient à faire des
litières pour le bétail, faute de paille, ou étaient utilisées comme
engrais ; les grumes étaient employées pour la charpenterie et la
construction navale, les Français faisaient venir le bois jusqu'au port
de Rochefort, en passant par Rotterdam. Les Hollandais, pour leur part,
importaient du bois de chauffage et de façonnage, le flottage se
faisant sur les rivières de la Horn, la Blies, l'Eichel et la Sarre ;
sur place, les bois de feuillus étaient largement utilisés comme
combustible dans les nombreuses verreries locales et dans l'industrie
sidérurgique, principalement dans les forges de Mouterhouse [, de
Baerenthal] et de Reichshoffen (Bas-Rhin). Les sous-bois, eux aussi,
constituaient un apport non négligeable à l'économie locale avec leur
myrtilles, leurs genêts servant à faire des balais, leurs bruyères et
leurs fougères utilisées comme fondants dans les verreries.
Jusqu'à une époque récente, les fonds de vallées, occupés par des
prairies de fauche, étaient irriguées grâce à un système de rigoles
perpendiculaires au cours des rivières, issues de canaux de dérivation.
Faute d'entretien, ces aménagements ont été peu à peu abandonnés et les
prairies ont été gagnées par les friches. [Cette mutation, opérée dans
les années suivant la fin de la seconde guerre mondiale, a signé
l'arrêt définitif de nombreuses pratiques agricoles.] L'imperméabilité
des roches et l'abondance des eaux ont favorisé dès le Moyen Âge la
multiplication d'étangs artificiels, grands pourvoyeurs de truites et
de carpes, qui constituent aussi l'une des originalités du Pays de
Bitche. À la fin du XVIe siècle, il y en avait déjà une bonne
cinquantaine, mais aujourd'hui on en compte pas moins d'un millier,
situés pour la plupart dans la région gréseuse. Un certain nombre
d'entre eux entraînaient des moulins à grain, à huile, à foulon, des
scieries et des forges, comme par exemple le Grafenweiher à
Sturzelbronn ou l'étang de Münzthal à Saint-Louis-lès-Bitche » (2).
IV. Notes et références
1. JACOPS, GUILLAUME et HEMMERT, 1990, p. 1.
2. JACOPS, GUILLAUME et HEMMERT, 1990, p. 1-2.
V. Annexes
1. Bibliographie
- JACOPS (Marie-France),
GUILLAUME (Jacques), HEMMERT (Didier), Le Pays de Bitche (Moselle), Éditions Serpenoise, Metz, 1990, p. 1-2.
2. Liens internes
- Cours d'eau : Horn - Schwalb