Couvent des Capucins de Bitche

Les Pères Augustins et surtout Capucins ont très fortement marqué la vie spirituelle et intellectuelle du Bitscherland, au cours de leurs longues années de présence à Bitche. Ils ont laissé nombre de vestiges de leur passage dans la petite cité fortifiée, tant dans les mentalités que dans les pratiques, mais surtout dans les pierres, avec notamment l'ancien couvent, la maison Saint-Conrad et bien sûr l'actuel collège Saint-Augustin.

L'ancien collège Saint-Augustin de Bitche, le couvent des Augustins et la citadelle en 1904. Une partie de l'ancien couvent depuis le chemin qui longe l'arrière de la rue Teyssier et domine la rue de l'abattoir. La chapelle de l'ancien collège. La maison Saint-Conrad (gauche), de même que l'ancien couvent des capucins et sa chapelle (droite) sont dominés par l'imposante silhouette de la citadelle de Bitche.

Table des matières

I. Histoire

II. Notes et références
 
1. L'installation des Capucins
5. La guerre de 1870 et la période allemande 9. Le retour des Capucins en 1945 III. Annexes
2. Le retour des Capucins en 1690
6. Début des difficultés 10. La fin du couvent
3. L'école des Augustins
7. L'entre-deux-guerres 11. La chapelle aujourd'hui
1. Bibliographie
4. La période révolutionnaire
8. La seconde guerre mondiale
2. Liens internes

I. Histoire

1. L'installation des Capucins

En ce début de XVIIe siècle, la situation religieuse dans la petite bourgade de Bitche n'est pas pour plaire au très catholique duc de Lorraine, qui souhaite rétablir une foi et une pratique bien plus ancrée. Le clergé local ne brille pas par sa piété et son comportement, tandis qu'une grande partie de la ville est soumise au luthéranisme depuis l'introduction de la Réforme dans la région au XVIe siècle. En 1629, souhaitant rétablir et conforter la foi catholique dans la région, Charles IV (1604-1675), duc de Lorraine en droit de 1625 à 1675, signe la fondation d'un couvent capucin et en confie la tâche à Pierre Dithmar, receveur du comté de Bitche. C'est ainsi que les cinq premiers fils de saint François d'Assise arrivent à Bitche à la fin de l'année 1629. Originaires de la province capucine de Lorraine, ils se heurtent dès leur arrivée à deux problèmes de taille : d'une part la rudesse extrême du climat du Bitscherland, et d'autre part la différence de langue. Les Capucins ne parlent en effet que le français, alors que la population bitchoise parle le francique rhénan, un dialecte germanique, et n'entend absolument aucun mot de français.

Les moines commencent par dresser une grande croix puis s'installent dans une maison du baillage, à proximité d'une vieille chapelle dédiée à saint Nicolas et située dans le Vorburg ou faubourg de Kaltenhausen, l'un des deux bourgs composant plus tard la ville de Bitche. Ils interviennent efficacement dans l'administration religieuse de la paroisse et s'attaquent ensuite à leur mission de réévangélisation, cherchant tout particulièrement à obtenir la conversion des nombreux protestants de la ville. Pourtant cette mission s'arrête très vite puisqu'en septembre 1633, l'armée suédoise envahit la Lorraine : les villages de Rohr et Kaltenhausen sont brûlés. La guerre et la famine déciment la population locale et les Capucins survivants sont chassés de leurs bâtiments inachevés. À la fin de la guerre, les capucins se réinstallent modestement dans une région dévastée. Ils reconstruisent un petit bâtiment, en le déplaçant à l'endroit actuel, tandis que leur activité se limite à l'aide pastorale, occupant tout leur temps disponible. Mais les luttes continuelles entre les rois de France et les ducs de Lorraine entraînent de nombreux conflits locaux. Le passage et le cantonnement incessant de troupes affaiblit tellement la population locale que celle-ci n'est plus en mesure de subvenir aux besoins des Pères. À partir de 1654, on ne trouve plus aucune trace de la présence des Capucins à Bitche.

Les élèves de la classe de Première (Prima) en 1913-1914. La maison Saint-Conrad, autrefois partie intégrante du couvent, se dresse le long de la rue des Capucins, qui la sépare du reste des bâtiments. Le couvent depuis la rue Saint-Augustin (photographie du service régional de l'inventaire de Lorraine). L'ancien collège Saint-Augustin au débu du XXe siècle.

2. Le retour des Capucins en 1690

En 1680, Bitche passe à la France et Louis XIV s'adresse à la Suisse, au Tyrol, à la Souabe, au Wurtemberg et au Palatinat pour repeupler le pays presque entièrement vidé de ses habitants. Vauban visite Bitche en 1683 et décide d'y construire l'actuelle citadelle. Il faut donc des troupes et à celles-ci des aumôniers venus de France. C'est ainsi que la province des Capucins de Champagne reçoit l'ordre d'envoyer des Pères à Bitche et d'y établir un hospice. Les Capucins s'installent, construisent un petit couvent à l'emplacement de l'actuel, creusent un puits à l'emplacement du lavoir et commencent leur office. Ils assistent les malades, célèbrent les offices et mendient pour vivre. De nombreuses archives, liées notamment à la vie de la citadelle, font référence à eux, et les registres paroissiaux gardent trace de leur activité. Cependant, malgré cette intense activité, l'implantation des capucins est toutefois laborieuse. La plupart d'entre eux sont uniquement francophones dans un pays de langue allemande ; le couvent se trouve à la périphérie de la Province, aux portes de l'Allemagne, et ils ont de plus en plus de mal à subvenir à leurs besoins. De plus, apparemment, la Province est appelée à fournir des religieux en Amérique. Et c'est ainsi que le nombre de frères Capucins au couvent de Bitche diminue progressivement. En 1716, ils ne sont plus que deux Pères et en 1722, ils sont contraints de quitter la ville de Bitche, mettant leur ancienne résidence à la disposition de Léopold Ier (1679-1729), duc titulaire de Lorraine de 1690 à sa mort.

Après le départ des Pères Capucins de la ville de Bitche en 1722, le couvent reste alors vide et à l'abandon. Mais il se trouve que le Provincial des Augustins Rhéno-Souabes présente de sérieuses prétentions à la succession ; il sollicite ainsi le syndic de Bitche, un dénommé Jean Poertner, bavarois et donc lui aussi d'obédience germanique, d'intervenir personnellement auprès du duc de Lorraine afin qu'il réserve une suite favorable à sa requête de fondation d'un couvent augustin dans les locaux laissés vacants par les Capucins. Le syndic Jean Poertner plaide effectivement en sa faveur auprès du souverain et obtient gain de cause puisque, le 6 février 1724, on lui remet une ordonnance signée de la main royale, octroyant l'ancien couvent des Capucins de Bitche aux Pères Augustins.

3. L'école des Augustins

Au début du XVIIIe siècle, Bitche n'est qu'un petit bourg de 150 foyers. Le petit village voisin de Schorbach est le siège de l'église-mère et administre les nombreux villages de Bitche, Hanviller, Haspelschiedt, Lengelsheim, Reyersviller, Mouterhouse, ainsi que les multiples autres hameaux des alentours. La ville de Bitche n'a alors pas de prêtre desservant. Les pères Augustins desservent la paroisse de Hornbach, aujourd'hui en proche Palatinat, le village et l'usine de Mouterhouse, ainsi que la chapelle d'Althorn. À Bitche même, ils sont responsables du pastorat de l'hôpital militaire, tout proche de leur couvent, ainsi que de la garnison militaire. Le 5 avril 1724 débarquent alors à Bitche les deux Pères Augustins Jean Will, Émilien Keller, ainsi que le frère Liberatus Freisich, qui sont délégués pour prendre possession de l'ancienne résidence des religieux Capucins. En mars 1727, le Père Prieur Jean Will, pose la première pierre d'une chapelle. Deux ans plus tard, il démolit le petit couvent, et entreprend la construction d'un vaste bâtiment à partir de l'aile jouxtant la partie sud-ouest du jardin. Le nouveau couvent est construit sur un terrain trapézoïdal d'une longueur d'environ quarante-cinq mètres du côté des rues Saint-Augustin et de l'Abattoir et d'une base de cinquante-et-un mètres du côté sud et soixante-cinq mètres au nord, du côté de la rue des Capucins.

L'ancien collège Saint-Augustin sur le cadastre de la ville de Bitche. La petite ville de Bitche depuis le plateau de sa majestueuse citadelle et, tout contre le rebord de la fortification, l'ancien couvent des Capucins très reconnaissable grâce à son clocheton vert. Le collège dans les années 1920-1930, lors du départ de l'école vers un bâtiment neuf et l'installation dans les anciens locaux des frères Capucins. Vue de l'ancien couvent des capucins et de la maison Saint-Conrad depuis le plateau inférieur de la citadelle de Bitche.

En 1731, les Pères Augustins entreprennent la création d'une école monacale. Le prieuré et les classes monacales, prévus pour accueillir entre quinze et dix-huit religieux, sont complétés par deux chambres supplémentaires à l'usage de salles de classes. Les religieux y enseignent la rhétorique, la poésie, la syntaxe et les sciences mathématiques. La nature de l'enseignement est en rapport avec la qualité des enseignants, en majorité issus du gymnase de Münnerstadt près de Bad Kissingen en Franconie, institut considéré comme l'École Normale des Pères Augustins. À Bitche, l'ouverture d'une école répond en effet à un besoin impérieux. À cette époque, la petite ville compte déjà quelques 1 500 habitants et est le siège d'un important état-major de forteresse, fort de dix officiers, auxquels s'ajoutent des officiers de la garnison de la ville. Tout ce monde s'évertue à faire bénéficier sa progéniture d'une solide instruction dispensée sur place, car les établissements de Sarre-Union, en proche Alsace, et de Sarreguemines, étaient jugés trop éloignés. Pour pallier à la situation, la ville nomme le Bitchois Fennard professeur de latin, à condition d'instruire les enfants à son domicile. C'est ainsi que la première école supérieure de Bitche était née.

Par la suite, Fennard acceptera le poste de régent de l'école communale de la ville, mettant ainsi fin à l'existence d'une école supérieure. Les Augustins prennent donc la relève. Au début, leurs élèves sont répartis dans deux salles aménagées à l'intérieur même du couvent. En attendant la construction d'une trosième salle de classe, les cours ont lieu dans une nouvelle construction à l'extérieur du couvent. La forte présence de militaires et surtout d'officiers à Bitche a pour conséquence un nombre important d'enfants, souhaitant bénéficier d'une solide instruction. En 1755, une école secondaire de latinité est ouverte en ville, qui est remplacée dès l'année suivante par un Institut religieux. La fréquentation est bonne et à la veille de la terrible Révolution française de 1789, l'établissement bitchois compte déjà une centaine d'élèves dans ses rangs.

4. La période révolutionnaire

À l'avènement de la Révolution française et en exécution du décret du 13 février 1790, l'école monacale de Bitche se voit dans l'obligation de fermer ses portes. Tous les Pères Augustins sont limogés, à l'exception du frère Zimmer, qui prête le serment constitutionnel demandé aux clercs. Le couvent est fermé le 17 juin 1791 et les bâtiments conventuels sont déclarés bien national. Durant cette période de grand trouble, les locaux du couvent servent alors tour à tour de casernement et de magasin d'avoine pour l'armée. La municipalité y autorise même, cela à titre provisoire, l'exploitation d'un abattoir, qui donnera son nom au quartier. Le 20 janvier 1793, on y installe un hôpital militaire et le 17 avril de la même année, on y cuit le pain. La brigade de gendarmerie de la ville de Bitche prend possession de l'aile située le long de la route principale. L'ancien réfectoire des Pères Augustins sert même de salle de réunion au conseil municipal. Cependant, l'absence d'enseignement soulève une grande vague de protestation à Bitche et, cédant sous la pression de la population, le maire et le conseil municipal finissent par demander au préfet l'ouverture d'une école secondaire dans les locaux du couvent abandonné. Le gouvernement y consent et, le 19 brumaire an XII (11 novembre 1803), publie le décret suivant : Le gouvernement de la République, vu la loi du 11 floréal an X, les arrêtés du 4 messidor et du 30 frimaire an XI, arrête ce qui suit : La commune de Bitche, département de la Moselle, est autorisée à établir une école secondaire dans la partie du couvent des ci-devant Augustins, non occupée par la Gendarmerie, qui lui est concédée à cet effet, à la charge pour la dite commune de remplir les conditions prescrites par l'arrêté du 30 frimaire an XI.

L'ancienne chapelle du couvent vue depuis le chemin situé en contrebas de la rue des capucins. La façade sud-ouest de l'ancien collège. Les bâtiments de la maison Saint-Conrad à gauche et ceux de l'ancien couvent des capucins à droite. La cour des internes au début du XXe siècle.

Le premier consul Napoléon Bonaparte (1769-1821) signe donc personnellement l'acte de naissance du collège Saint-Augustin, alors que trente élèves fréquentent les bancs de l'école. Ils ne sont pourtant pas assez nombreux pour permettre de poursuivre l'exploitation à long terme de l'établissement. Après un an et demi d'activité, la municipalité se voit contrainte d'accorder une rallonge de fonctionnement de l'ordre de 1200 francs. Trois ans après son ouverture, le 2 mai 1806, le conseil municipal décide la suspension des activités de l'école secondaire pour céder la place à une école primaire. Pour ne pas aliéner les faveurs de l'Empereur Napoléon, le maire Fallciola fait bénir, le 9 juin 1811, une cloche destinée à la chapelle des Augustins et dédiée au Roi de Rome (1811-1832), fils de l'Empereur. Une ordonnance royale, en date du 5 octobre 1814 accorde, à nouveau aux Évêques français le droit de fonder une école secondaire, en plus du séminaire et la ville de Bitche est donc, à sa plus grande joie, habilitée à ouvrir une de ces écoles dans les anciens locaux des Pères Augustins. Fort de la nouvelle règlementation, l'enseignement secondaire reprend timidement sous l'autorité de quelques clercs venus à Bitche préparer des jeunes gens au sacerdoce.

À partir de l'année scolaire 1818, l'abbé Nicolas Cordier assure la direction de cet embryon d'école, qui est installée dans les locaux de l'ancienne mairie et à son départ, le 29 septembre 1826, il est remplacé par l'abbé Desquilbet. Le 4 janvier 1825, le maire de Bitche Meschini propose à Monseigneur Jacques-François Besson (1756-1842), Évêque de Metz de 1824 à 1842, la prise en charge de l'ancienne école des Pères Augustins. Sur l'insistance de la municipalité et en considération des services que ce collège pourrait lui rendre à l'avenir sur le plan du ministère pastoral par la diversification de l'instruction en langue allemande et française, l'évêque demande au ministre de l'Instruction Publique l'autorisation d'ouvrir des cours à Bitche et elle lui est accordée. Mais avant de s'engager définitivement, le prélat dicte à la municipalité ses propres conditions d'acceptation :

L'ancienne chapelle des Capucins dans son état actuel. Vue actuelle des vestiges du couvent et de la maison Saint-Conrad. L'ancien collège Saint-Augustin durant le terrible siège de la place en 1870. La maison Saint-Conrad à gauche et la chapelle des Capucins à droite.

Après accord, le conseil municipal transmet le dossier aux autorités rectorales de Nancy qui l'approuvent. La construction qui doit servir d'école est massive, certes, mais la disposition intérieure est mal adaptée aux exigences et les locaux sont exigus. De plus, elle est vétuste, ce que décelent des vestiges séculaires. En effet, de l'encadrement du soupirail pratiqué à proximité de l'entrée du temple, ressort l'inscription, plutôt grattée que taillée dans le grès : Memento mori, hodie mihi, cras tibi, 1777 (Souviens-toi que tu dois mourir. Aujourd'hui c'est à moi, demain à toi, 1777). Cette inscription n'est guère insolite quand on sait que c'est par cette ouverture que les ermites glissaient les cercueils de leurs confrères décédés. Cette manière d'agir est confirmée en 1902 lorsqu'en creusant un canal pour le calorifère sont découverts deux squelettes, un chapelet à grains noirs et une médaille en laiton, derniers vestiges des religieux. L'évêque nomme supérieur du collège l'abbé Hardy, personnalité remarquable et travailleur infatigable. Aussitôt, ce dernier prend toutes les dispositions pour que la rentrée puisse se faire dès le 1er novembre 1827. Et tout semble être réglé quand le préfet, qui a été tenu à l'écart des tractations, fait opposition à cet accommodement aux motifs que :

Un peu par bravade, le conseil municipal de Bitche vote, le 10 octobre 1825, une motion demandant l'ouverture d'un petit séminaire, alors que le 13 août il parlait seulement d'un collège. Cependant, le préfet ne desserre pas son étreinte pour autant et finalement, pour mettre fin à la discorde, le conseil municipal, en vertu du décret consulaire et fort du soutien du recteur, décide le 28 octobre 1827, la continuation du collège. Le 1er novembre 1827, le collège Saint-Augustin est né définitivement et aussitôt, il ouvre ses portes à soixante élèves. Les années passent et à la longue, l'abbé Hardy s'avère être un piètre administrateur doué d'un financier médiocre. Certaines années, le tiers seulement des élèves paye la pension complète. Pour compenser le manque de ressources, il se tourne vers l'agriculture, croyant récupérer par ce biais une partie de la valeur des pensions non réglées. Il paye de sa personne sans pouvoir pour autant redresser la situation. Finalement, l'Évêché se voit contraint de confier la gestion matérielle à un jeune prêtre, l'abbé J.-M. Kieffer. Quatre années plus tard, celui-ci quitte le collège sans avoir pu assainir la trésorerie, laissant à l'abbé Hardy le soin de se débattre seul avec l'obsédant aspect financier. Le 20 avril 1857, il quitte ce monde, laissant un passif de 60 000 francs de l'époque. Son successeur, l'abbé Guépratte, tire avantage du repli de la gendarmerie, qui déménage le 1er janvier 1859. La nue-propriété des locaux vacants retourne à la ville qui les met à la disposition du collège. Vers les années 1869, le Supérieur construit un nouveau dortoir, l'ancien se révélant trop petit.

Le couvent des capucins de Bitche vu depuis le plateau inférieur de la citadelle. La nouvelle devise du collège. Les bâtiments de l'ancien couvent des capucins, ainsi que la maison Saint-Conrad, vus depuis le plateau inférieur de la citadelle de Bitche. La façade de la maison Saint-Conrad donnant sur la rue des Capucins.

5. La guerre de 1870 et la période allemande

En 1859, la gendarmerie déménage, restituant ses locaux au collège puis, en 1869, est construit un nouveau dortoir. En 1870 éclate la guerre franco-allemande et le 19 juillet, fin de l'année scolaire, tous les élèves sont renvoyés dans leurs familles. Le collège ferme provisoirement ses portes tandis que les hostilités causent des ravages. En ville, quelques trois cent maisons sont sérieusement touchées par les bombardements incéssants. Le collège, transformé en lazaret de campagne, est préservé par le drapeau blanc flottant sur le toit. Le Supérieur, assisté de l'abbé Guérin, y soignent les blessés. La victoire prussienne amène le passage de l'Alsace et de la Lorraine sous l'autorité allemande, qui, après la fin des hostilités, décide de maintenir le fonctionnement du collège, tout en gardant son rôle de collège et de petit séminaire. Le 19 avril 1871 débute la nouvelle année scolaire, qui se terminera le 5 septembre 1871. Avec la parution de la loi de 1873 fixant le régime des établissements scolaires, la caractérisation de l'établissement est fluctuante et tour à tour on l'appelle : Lehranstalt, Knabenseminar, Höhere Lehranstalt, Kollegium, Höhere Privatlehranstalt, Höhere Schulanstalt, Seminar, Stift St. Augustin, Insitut St. Augustin, Gymnasium St. Augustin (arrêté du 23 septembre 1912 du ministère pour l'Alsace-Lorraine), et enfin Bischöfliches Institut St. Augustin.

Durant la période de l'annexion, le collège continue son expansion. Stat Crux dum volvitur (la Croix demeure inébranlable pendant que le monde tourne) devient la devise officielle du collège et l'abbé Lamberton prend la relève à compter du 1er septembre 1884. Fils d'un chef de chantier de la citadelle, il met ses talents innés de constructeur au service du collège qui éclate dans ses murs d'origine. En 1888, il acquiert la maison Staub, l'actuelle maison Saint-Conrad, située au-delà de la rue qui longe le collège et y installe les Sœurs et l'infirmerie. Des transformations multiples sont faites dans l'ancien couvent, et dans les locaux restitués par la gendarmerie. L'année suivante, un souterrain, encore praticable aujourd'hui, est creusé entre le collège et la future maison Saint-Conrad. Des maisons contiguës sont achetées et intégrées dans la construction. Le bâtiment prend de l'ampleur.  De 1889 à 1891, après avoir démoli les masures en face de la porte principale, il construit vis-à-vis de l'entrée de la chapelle, un bâtiment reservé à la cuisine et aux réfectoires. Il arrange une salle des fêtes au 1er étage. Les agrandissements successifs de la maison Saint-Conrad sont propriété de la Mense Épiscopale.

6. Début des difficultés

Cependant, l'ensemble du bâtiment reste trop étroit pour les nombreux occupants et, malgré tous les travaux réalisés, devient de plus en plus vétuste et mal approprié à son utilisation. Bientôt, l'espace réservé aux dortoirs pose problème, en raison de l'augmentaion constante du nombre d'élèves. Il y a certes les grands dortoirs dans le bâtiment de la gendarmerie, mais malgré celà, une bonne demi-douzaine de jeunes se trouvent disséminés un peu partout dans l'établissement. Le Supérieur, l'économe et quelques professeurs, disposent d'un appartement miniature dans l'enceinte du collège, mais les autres demeurent, après 1896, dans les maisons nouvellement acquises. Vers les années 1896, le directeur récupère deux maison situées le long de la rue principale, la rue du Commandant-Teyssier, les maisons Lamberton et Ichtherz, qu'il intègre dans la surface d'habitation existante. Après quelques accommodements, un nouveau réfectoire et un petit dortoir ocupent le rez-de-chaussée. Aux étages, deux grands dortoirs (40 à 50 élèves) sont aménagés et le réfectoire derrière le chœur de la chapelle se voit libéré au profit d'une nouvelle sacristie, l'ancienne cédant la place à deux petits autels réservés aux professeurs.

Le ponton du collège au Hasselfurtherweiher. La maison Saint-Conrad fait face à l'ancien couvent des capucins. La cour des internes en 1914. L'ancienne chapelles du couvent des capucins, achetée par un artiste après la fermeture du couvent, a été offerte par la suite à la Fraternité franciscaine séculière de Bitche. Elle a été réouverte au culte le 18 septembre 2009 et la Sainte Messe y est désormais célébrée chaque semaine.

L'affaire des dortoirs à peine solutionnée, surgit un nouveau problème : celui des salles d'étude trop exiguës. Pour y remédier, pour autant qu'il puisse le faire dans l'ordonnance d'un établisement très vieux et peu fonctionnel, le directeur procède au cours des années 1889 et 1900 à quelques permutations. En 1889, l'infirmerie et les appartements de la communauté des Sœurs sont transférés dans la maison Lamberton et l'année suivante sont agencés l'aula et à l'étage supérieur, un dortoir et des vestiaires. La cour des internes est agrandie jusqu'à la hauteur de la maison Willigen, reléguant le potager de l'établissement à un endroit plus approprié. Bien malin qui pourrait retracer fidèlement les remaniements intérieurs subis au cours des années d'existence. L'hygiène reste l'une des préoccupations essentielles. Jusqu'à présent, les élèves font leurs ablutions aux lavoirs mais elles ne sont pas autorisées en-deçà de la ceinture, sous peine de sanction. Il n'y a pas de douches et pour les deux-cent-cinquante personnes de la maison, une seule petite chambre de bains à une seule baignoire, est prévue pour ceux qui désirent prendre un bain. Les plus prévoyants s'organisent pour prendre des bains de pieds à la buanderie, ce qui ne peut se faire qu'après entente préalable. Les Sœurs sont reléguées dans des chambrettes basses et humides.

Conscient de ses inconvénients, l'abbé Lamberton fait aménager à l'étang de Hasselfurth, non loin du collège et lieu prédestiné pour les promenades des semaines d'été, un ponton faisant usage de cabines pour les baigneurs. En été, seuls les élèves des classes participant à la promenade au Hasselfurtherweiher y on accès, et ceci pour un espace de temps limité, classe après classe. Ce choix est d'autant plus apprécié que la pièce d'eau est située aux abords d'une grande forêt, riche en myrtilles, qui parfument agréablement le morceau de pain sec alloué pour le goûter. C'est dans cet espace sanitaire que se noie le 26 juin 1929, l'abbé Brustlé, économe du collège. Les nombreux remaniements, réalisés en accord avec Monseigneur François-Louis Fleck (1824-1899), Évêque de Metz de 1866 à sa mort et lui-même ancien élève du collège, débouchent sur une amélioration toute relative de la vie de tous les jours, sans éradiquer les vraies causes du mal : exiguïté, insalubrité naissante, irrationalité et instabilité, dont les exemplent foisonnent.

Écrasée par la lourde charpente du toit, une des façades développe un fléchissement inquiétant et pour parer ce danger, il faut échafauder à l'intérieur du collège un système de poutres en fer afin de soulager le poids. La conciergerie est dans un état misérable et sert tour à tour d'atelier, de salle à manger, de chambre à coucher et, au besoin, même d'infirmerie. L'eau de pluie s'infiltre dans le tunnel reliant les deux bâtisses du collège. Dans les quatre salles d'étude, faute de soleil, la lumière doit rester allumée en plein jour et les maîtres occupent pour la pluaprt des cellules étriquées, donnant sur un couloir obscur. Le collège ne résiste donc pas à l'érosion du temps, mais essaie d'y faire face. En 1899, à la mort de Mgr Fleck, Mgr Karst, vicaire capitulaire, signe avec la ville de Bitche, toujours propriétaire légale de l'établissement, un bail de location de quatre-vingt-dix-neuf ans. 

La maison Saint-Conrad et l'ancien couvent des capucins de Bitche sont dominés par la citadelle, surmontée de sa petite chapelle Saint-Louis, aujourd'hui transformée en musée. L'ancien collège du côté des jardins au début du XXe siècle. La maison Saint-Conrad de Bitche est dominée par la fière citadelle. Le couvent et la maison Saint-Conrad se situent à l'ombre de la citadelle de Bitche.

Le délabrement du collège est irréversible et l'idée de la construction d'un nouveau bâtiment fait progressivement son chemin. En 1903, Monseigneur Willibrord Benzler (1853-1921), Évêque de Metz de 1901 à 1919, donne l'autorisation d'acheter un nouveau terrain, situé à la sortie de la ville, sur la route menant vers Lemberg. Différents projets de construction seront proposés puis rejetés successivement, jusqu'à ce que, enfin, en 1914, le coup d'envoi de la construction soit finalement donné. Mais c'est alors qu'éclate la première guerre mondiale et tout est abandonné. Le 16 novembre 1912, un séisme ébranla sensiblement la région de Bitche. La terre qui tremble provoque des sueurs au Supérieur Lamberton, mais la structure tient ferme et le séisme ne cause pas de dégâts à la bâtisse. Il est à noter que deux évêques, Monseigneur Fleck et Monseigneur Schang, ainsi que huit cent prêtres et religieux environ sont issus du collège.

L'histoire se doit d'évoquer un événement tragique qui endeuilla le collège. Le 22 janvier 1925, Raymond Pinck, élève de troisième, décède des suites d'une méningite. Le lendemain, son corps, recouvert d'un léger voile, est exposé dans une salle de classe aménagée en chambre mortuaire. Les élèves s'y relaient toute la nuit et les obsèques sont célébrées le surlendemain dans le chapelle du collège. À l'issue de l'office, le cortège funèbre se rend à la gare de Bitche et six de ses condisciples portent le cercueil. Au passage du convoi, les cloches du collège, relayées par celles de l'église paroissiale, sonnent à toute volée et à la gare, le cercueil est déposé dans un fourgon où l'on procède aux dernières aspersions avant le départ vers le lieu de repos définitif.

7. L'entre-deux-guerres

C'est en 1924 qu'un nouveau projet de construction est présenté et accepté. Les travaux commencent en 1925. La première pierre de la chapelle est posée en 1926, en présence de l'abbé Jean-Baptiste Montini, futur pape Paul VI. Le nouveau collège est inauguré en 1930. La même année, la ville cède l'ancien collège aux Capucins de la Province d'Alsace, qui commencent immédiatement la transformation des bâtiments en maison d'étude et qui décident d'y implanter un couvent de noviciat. En 1931, les bâtiments transformés sont inaugurés et la vie conventuelle démarre. En fin d'année a lieu l'ouverture des études : quatre pères, vingt-deux étudiants, cinq frères et trois postulants occupent les lieux. En 1935 a lieu la consécration de la nouvelle chapelle. Saint Conrad de Parzham (1818-1894), canonisé le 20 mai 1934, à peine 40 ans après sa mort, devient patron de la chapelle et du couvent.

La chapelle du couvent des Capucins avant la seconde guerre mondiale. Une partie des bâtiments très grands de la maison Saint-Conrad de Bitche. La chapelle après les bombardements de 1945. Images/Couvent/reconstruction-chapelle-capucins-petit.jpg

8. La seconde guerre mondiale

En 1939 éclate la seconde guerre mondiale. La ville de Bitche, située dans la zone rouge, entre la ligne Maginot et la frontière allemande, est évacuée. Le couvent est vidé de ses occupants. Cependant, durant la drôle de guerre, le couvent sert de « maison de cure » aux soldats mobilisés dans les ouvrages de la ligne Maginot et qui ont besoin de retrouver l'air libre. Parmi eux, le jeune Aloïse Gerber, en religion Père Marie-Joseph, responsable de la Fraternité Franciscaine de Bitche. Alors séminariste mobilisé et incorporé dans l'unité qui occupe l'ouvrage du Schiesseck, au-dessus de Bitche, il obtient l'autorisation d'habiter dans le couvent déserté. Puis, pendant la période des combats, quelques soldats de la Wehrmacht s'installent dans les locaux. À partir de juillet 1940, après la défaite française, les Pères peuvent retourner dans leur couvent, qui a été épargné par les combats, et n'a subi que quelques dégradations intérieures. Mais dès juin 1941, les nazis décrètent la fermeture du couvent et expulsent les occupants. Le couvent, vidé de ses objets précieux par les derniers occupants, reste alors inoccupé jusqu'en 1944. À la fin de l'année 1944, l'avancée américaine vers Bitche entraîne de violents combats. La ville est partiellement bombardée et le couvent et la chapelle subissent de lourds dégâts. Le couvent devient inhabitable.

9. Le retour des Capucins en 1945

La maison Saint-Conrad sert de résidence provisoire aux pères capucins, qui démarrent sans tarder la reconstruction du couvent. Celui-ci sera terminé en 1955. Le 29 septembre 1955, Monseigneur Heintz, Évêque de Metz, consacre la nouvelle chapelle. Son second patron sera saint Laurent de Brindes (1559-1619). Le Père Provincial Gonzalves rencontre un peintre d'art sacré, disciple et collaborateur de Maurice Denis et Georges Desvallières. Il s'agit de Robert Gall qui, ayant réalisé de nombreuses décorations d'églises et de lieux saints en Alsace, se voit confier le chemin de croix de la chapelle. Il s'agit là d'une des dernières œuvres du peintre (1958-1959) qui recherche le dépouillement de la ligne pour répondre à la lumière jaune, verte, rouge et bleue des vitraux abstraits de la chapelle. Le couvent quant à lui redevient une étude de philosophie pour les jeunes capucins. Mais, au fur et à mesure des années et surtout après le tournant du Concile Vatican II, le nombre de pères capucins présents diminue. Les pères restants, de plus en plus âgés, ont du mal à assurer l'entretien et la vie de la maison. La chapelle reste cependant un lieu de culte très fréquenté par la population locale.

10. La fin du couvent

Au début des années 1990, confrontée à la difficulté de la gestion du couvent, qui n'est plus occupé que par deux pères et un frère très âgés, la Province Capucine décide de vendre le couvent. Mais celui-ci reste longtemps sans acquéreur : la charge que représente cet ensemble immobilier, ou les frais que suppose sa reconversion, font peur. En septembre 1994 enfin, la ville de Bitche se porte alors acquéreur de l'ensemble immobilier. Plusieurs projets de réhabilitation et de transformation sont faits, mais aucun ne sera réalisé. Après plusieurs années d'abandon, au cours desquelles le couvent se dégrade de plus en plus, l'ensemble des bâtiments est vendu à un promoteur immobilier, qui engage rapidement une phase de transformation importante des bâtiments en locaux d'habitation. Plusieurs logements sont vendus, des studios sont mis en location. La chapelle, amputée de son chœur, est vendue séparément à Pierre Morel. Celui-ci cherchait une chapelle depuis plusieurs années où il pourrait exercer son art, qui, pour s'exprimer pleinement, a besoin de murs.

La reconstruction du couvent après la guerre. Les toits de l'ancien couvent des Capucins et de la maison Saint-Conrad depuis le plateau de la citadelle. L'intérieur de la chapelle des Capucins avant la fermeture du couvent. Après des travaux importants de restauration et de mise en conformité, la chapelle de l'ancien couvent des capucins est à nouveau ouverte au culte depuis le 18 septembre 2009.

11. La chapelle aujourd'hui

La chapelle est ouverte à tous ceux qui le désirent et de nombreux habitants de Bitche ou amis des capucins viennent témoigner leur sympathie à Pierre Morel lorsqu’il réalise les fresques. Les visites sont nombreuses : des écoles de petits et grands pour apprendre la technique des fresques, les hôtes de la maison Saint-Conrad, invités à découvrir la renaissance de la chapelle et parfois, des personnalités éminentes. Ainsi en 2003, le cardinal Christoph Schönborn, un dominicain archevêque de Vienne en Autriche et Mgr Flavio Carrero, un capucin évêque de Vérone en Italie, de passage à Bitche, visitent les lieux et encouragent chaudement Pierre Morel dans son entreprise. C’est alors que naît en lui l’idée de donner la propriété de la chapelle à la Fraternité franciscaine séculière de Bitche, en espérant qu’ainsi, l’ancienne chapelle du couvent des capucins puisse retourner à sa vocation originale et redevenir un lieu de prières et de célébrations, pour la plus grande gloire de Dieu ! Après d'importants travaux de restauration, mais aussi de mise en conformité aux normes de sécurité, la chapelle retrouve une nouvelle jeunesse. Elle peut enfin être réouverte au culte le 18 septembre 2009, lors d'une messe célébrée par M. l'archiprêtre de Bitche et plusieurs prêtres, tandis que nombreux fidèles de la Fraternité Saint-Conrad et des environs ont tenu à y assister. La Sainte Messe peut désormais y être célébrée chaque semaine.

II. Notes et références

III. Annexes

1. Bibliographie
2. Liens internes
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