Calvaires et
croix de chemin dans le Bitscherland
Le
Bitscherland
possède un patrimoine religieux
très riche. Il recèle de charmantes petites
chapelles et d'églises remarquables, d'humbles oratoires
nichés à la lisière des
forêts. Son territoire est parsemé de
très nombreux calvaires et croix de chemin, rappelant au
promeneur la foi de ceux qui l'ont
précédé dans ce pays. La situation de
la région, sur les marges de la Lorraine catholique,
entraînant l'affirmation d'une foi
vive
face aux protestants des pays voisins, confortée par une
vieille
tradition religieuse d'une bonne partie des émigrants,
explique
la prédominance du patrimoine religieux, qui a
laissé son
empreinte dans le paysage artistique. Une empreinte toujours
renouvelée, tant les mentalités restent
profondément ancrées dans leurs traditions.
Table des matières
1. Description
générale
«
Situées
au bord des
routes, le long des rues, devant les maisons, dans les jardins, au
chevet ou devant les églises, dans les cimetières
et,
parfois même, très loin du village, dans la
forêt ou
au milieu des champs, les croix de chemin se dressent partout dans le
pays, excepté dans les villages gagnés au
protestantisme, Baerenthal
et Philippsbourg.
Les calvaires, quant à eux, moins nombreux mais beaucoup
plus imposants, sont davantage liés aux villages, sans doute
en raison de leur côté ostentatoire, puisqu'ils
associent des statues en ronde bosse à la croix. Mais, tous
ensemble, ils constituent l'un des traits les plus originaux du
Bitscherland et s'imposent dans le paysage car, en dépit des
destructions liées aux guerres, aux accidents, à
leur alteration naturelle et, de plus en plus, au manque d'entretien,
ils sont encore plus de cinq cents à témoigner de
la foi
profonde des populations. Un chiffre qui relève
d'une étude systématique portant sur les
œuvres élevées entre le le
début du XVIIe siècle et les années
1870 mais qui n'a pas pris en compte les croix plus
stéréotypées de la fin du XIXe
siècle et des premières décennies du
XXe siècle, pas plus que celles qui ont continué
à être dressées jusqu'à nos
jours » (note 1).
2. Motif
d'érection
«
Érigées généralement
grâce aux libéralités des familles
pour s'attirer la protection divine, pour détourner une
épizootie ou pour remercier d'une grâce
reçue, mais aussi à l'occasion d'une
mission ou
d'un jubilé, elles commémorent parfois un
accident : ainsi la croix de
Rimling
élevée en 1738 au lieu-dit Hirtengarten,
à
l'endroit même où le jeune Jean Hemmert
était
tombé sur son couteau en gardant les chevaux de la ferme
paternelle, ou la croix de Felsenhof à
Rahling rappelant le
décès survenu en 1834 d'un habitant de
Schmittviller surpris par la
neige
en se rendant au village voisin de Rahling ; à
Lengelsheim, en revanche,
c'est
François Leichtnam qui érige une croix sur le
Bitscherweg en
1835, pour
remercier Dieu d'avoir épargné sa fille
et
son gendre surpris dans une tempête sur l'Atlantique, alors
qu'ils étaient en route vers l'Amérique. Plus
fondamentalement pourtant, tous ces monuments sont là pour
affirmer la présence catholique, face aux régions
voisines gagnées au protestantisme » (
note 1).
3. Formes
et couleurs
«
Sculptées dans le grès gris ou rose local,
souvent peintes et repeintes en blanc ou en couleurs claires, les
personnages et les décors étant
rehaussés avec des couleurs vives, souvent même
criardes, elles sont
généralement monolithes au XVIIe
siècle puis, par la suite, constituées
d'éléments superposés, maintenus par
des agrafes en fer entre le fût et le
croisillon. Les œuvres du XVIIe
siècle aujourd'hui conservées ne sont plus
très nombreuses mais elles fournissent des indications
précieuses sur la forme des croix à cette
époque. La plus ancienne, datée 1629, est
située à
Bining, sur le chemin
de la
ferme de
Mohrenhof. Trapue, elle
est
formée d'un fût monolithique de section
carrée aux angles abattus, creusé à la
face d'une niche et surmonté d'un croisillon peu
développé. Il s'agit d'une variante des
Bildstock, dont quatre
exemplaires sont encore conservés à
Hœlling,
Lemberg,
Rahling et
Reyersviller et
qui ont
en commun un fût couvert en bâtière,
élargi dans la partie supérieure, au niveau de la
niche » (
note 1).
«
Au XVIIIe siècle, les croix abondent et les formes se
diversifient. Les plus anciennes, dans la tradition des
Bildstock,
ont un fût droit à niche, abritant autrefois une
statuette
derrière une grille en fer forgé ; le croisillon
en croix
latine est orné à la face
du Christ crucifié. Elles couvrent une
période
qui s'étend des premières années du
siècle
à 1775 et coexistent, à partir de 1730, avec des
croix
au fût élargi, galbé en plan ou en
élévation, ces deux types étant les
plus largement
répandus et se perpétuant tard dans le XIXe
siècle. Au milieu du XVIIIe siècle, un autre type
apparaît, caractérisé par un large
fût
droit. Les socles ont des formes variées :
les plus
anciens sont généralement droits ou
trapézoïdaux puis, avec le temps, ils se galbent en
plan
et/ou en élévation, prenant des proportions plus
importantes » (
note 1).
4. Inscriptions
«
Les inscriptions,
écrites en dialecte germanique, évoluent dans
leur
emplacement et leur teneur, mais aussi, évidemment, dans la
forme des lettres. Sur les croix les plus anciennes, celles
à fût droit à niche, elles occupent
parfois toute la surface du fût, débordant
même sur le socle. Les lettres, profondément
gravées, sont des capitales très hautes. Avec le
temps, l'inscription se réfugie sur la base du
fût-stèle ou sur le socle, la taille des lettres
et la profondeur de la gravure diminuant ; puis, dans le courant du
XIXe siècle, les inscriptions sont écrites en
caractères gothiques. Mais toutes ont en commun de donner
les noms des donateurs et souvent la date et les raisons de
l'érection ; parfois aussi, le nom des saints est
gravé sur le support sur lequel ils reposent » (note 1).
5. Iconographie
«
Absente au XVIIe siècle,
limitée à un décor floral,
à un crâne
et des tibias et à la coquille qui orne les niches dans les
croix à fût droit du XVIIIe siècle,
l'iconographie
va en s'enrichissant, occupant parfois la face du socle et presque
toujours le fût, le croisillon portant
généralement
le Christ en croix, quelquefois associé aux deux autres
personnes de la Trinité : la colombe
du
Saint-Esprit et au sommet de la croix, Dieu le Père
en
buste, bénissant de la main droite et tenant le globe du
monde
dans la gauche. Sur le fût, et plus rarement sur le socle,
sont
représentés, souvent de façon
malhabile, la Vierge et saint Jean, les vieux saints
de la
chrétienté (saint Pierre et saint Paul), les
saints
patrons des donateurs, mais plus souvent les saints intercesseurs ou
protecteurs, tels
saint Wendelin,
saint Hubert figuré dans la
scène de la Vision, saint Sébastien, saint Marc
et sainte
Vérène ; des saints très
vénérés localement y figurent aussi,
en
particulier saint Antoine de Padoue, dont le culte est sans doute
à mettre en rapport avec la présence des
capucins
à Bitche jusqu'en 1722 et
à Sarreguemines à partir
de 1721, leur influence s'expliquant par les
missions
qu'ils
prêchent dans le
Pays de Bitche dans le courant
du
XVIIIe
siècle.
Les dévotions de la
Contre-Réforme sont
fréquentes aussi : saint Joseph,
saint Jean
Népomucène et la Sainte Famille en
marche. La Vierge, comme dans la
statuaire des
églises, est
très
abondamment figurée, qu'il s'agisse de
l'Immaculée
Conception, de la Vierge des douleurs et surtout de la Vierge
de
Pitié. Réparties sur plusieurs registres ou
occupant la
surface du fût dans sa partie la plus large, les figures des
saints sont parfois mêlées à un
décor floral
ou à des arabesques » (
note 1).
6. Ateliers et signature
«
Même si des caractéristiques communes, d'une croix
à une autre, d'un canton à l'autre,
permettent déjà de reconnaître
l'existence de plusieurs ateliers, la quasi-totalité de ces
monuments restent anonymes, sauf dans les dernières
décennies du XIXe siècle. Au XVIIIe
siècle cependant, Jakob Schaller et Michel Mihm ont
signé chacun une croix, l'un à
Bettviller, l'autre
à
Siersthal,
tandis que Michel Kuss est l'auteur d'une autre
croix à
Siersthal, en 1833 » (
note 1). On peut
signaler également le sculpteur
J. Bichler de
Hottviller,
qui signe plusieurs croix et
monuments
funéraires dans le
Bitscherland
durant la fin du XIXe siècle et le début du XXe
siècle : deux croix à
Eguelshardt,
une à
Hanviller,
une tombe à
Haspelschiedt,
deux croix à
Lemberg,
une croix à
Meisenthal,
une tombe à
Reyersviller,
une croix à
Rolbing,
une à
Schorbach
et une à
Siersthal
(notices de la
base Mérimée).
Durant la même période, le sculpteur J. Demmerle,
issu d'une
longue lignée de sculpteurs établis à
Hoelling, signe plusieurs
œuvres : une croix à
Reyersviller, une tombe
à
Saint-Louis-lès-Bitche et un calvaire à
Bining notamment.
7. Notes et
références
1.
JACOPS,
Le Pays de
Bitche, p. 12 (voir
bibliographie).
8. Annexes
a. Bibliographie
- JACOPS (Marie-France), GUILLAUME (Jacques), HEMMERT
(Didier), Le Pays de Bitche (Moselle), Metz,
Éditions
Serpenoise, 1990, p. 12.
- KIRCH (Abbé Jean-Pierre), Les anciennes croix, surtout
croix des champs en Lorraine, 1938.
- Base Mérimée
: œuvres du sculpteur J. Bichler.
b. Liens internes